Ta signature vaut de l'or.

Redonner aux contrats leurs lettres de noblesse...
Il y a quelque temps, je suis allée au garage pour faire réparer ma voiture. Comme j’avais besoin d’un moyen de transport, on m’a offert une voiture de courtoisie. J’ai accepté avec plaisir, mais au moment de signer le document qui stipulait que je devais rapporter le véhicule en bon état, j’ai remarqué un malaise. La dame à la réception a commencé à multiplier les explications, presque comme si elle devait s’excuser de me faire signer cet engagement. Elle semblait craindre que je trouve le geste excessif ou méfiant. Pourtant, de mon point de vue, rien n’était plus normal. Ils ne me connaissaient pas, ils me prêtaient un bien de valeur et ils avaient besoin d’une garantie.
Cette petite scène est révélatrice. Elle illustre un malaise que je rencontre souvent chez les femmes entrepreneures lorsque vient le temps de parler de contrats. Comme si exiger une signature formelle envoyait un message de méfiance. Comme si mettre par écrit les règles d’une entente signifiait que l’on doute de l’autre. Résultat: on se justifie, on s’excuse, ou pire, on simplifie tellement le document que celui-ci perd de sa valeur protectrice.
Dans le cadre de mandats qui sont confiés à notre cabinet, plusieurs clientes nous demandent de rédiger des contrats courts, sur une ou deux pages. Leur argument est toujours le même: un contrat trop long fera peur aux clients, il risque de briser la confiance, il risque de donner l’impression d’être dans une relation froide et bureaucratique. Nous nous faisons un devoir des les éduquer à ce sujet: c’est exactement l’inverse qui est vrai!
Un contrat bien structuré est une marque de respect et de professionnalisme. C’est la preuve que l’on prend la relation au sérieux. C’est aussi un outil stratégique qui protège les deux parties, encadre les obligations, clarifie les attentes et renforce la confiance. Plus un contrat est clair, plus il sécurise la relation. En réalité, les contrats trop courts ne protègent personne. Ils laissent place aux malentendus, aux interprétations divergentes et, inévitablement, aux conflits.
La peur de « faire peur » avec un document plus long trahit souvent une confusion entre contrat et méfiance. Or, signer un contrat ne veut pas dire « je ne te fais pas confiance », mais bien « je respecte assez notre relation pour que nos engagements soient clairs ».
Je m’interroge souvent sur l’origine de ce rapport compliqué aux contrats, particulièrement chez les femmes. Est-ce lié à l’éducation que l’on donne aux jeunes filles, où l’on valorise encore trop souvent le désir de plaire, la capacité d’éviter les conflits et la volonté d’être « facile à vivre »? Est-ce un héritage historique, où les femmes ont longtemps été exclues des sphères juridiques et économiques, laissant aux hommes le privilège d’écrire et de faire valoir leurs droits?
Il y a probablement un peu des deux. Pendant des générations, les femmes ont appris à miser sur la confiance personnelle et sur le relationnel plutôt que sur l’écrit et le formel. Or, dans le monde des affaires actuel, s’appuyer uniquement sur la parole donnée est une stratégie risquée. Les enjeux financiers, juridiques et réputationnels sont trop importants pour reposer sur une poignée de main, aussi chaleureuse soit-elle.
Un contrat ne se résume pas à une formalité administrative. C’est un véritable outil de gouvernance. Il a quatre fonctions principales: protéger, encadrer, clarifier et renforcer la confiance.
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Protéger, parce qu’il fixe des droits et des obligations qui peuvent être défendus en cas de litige.
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Encadrer, parce qu’il définit les modalités d’exécution, les délais, les responsabilités et les recours.
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Clarifier, parce qu’il élimine les zones grises et les interprétations contradictoires.
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Renforcer la confiance, parce qu’il donne à chacun la certitude que les règles du jeu sont établies et que personne ne pourra les modifier unilatéralement.
Vu sous cet angle, le contrat n’est pas une barrière qui limite, mais un tremplin qui sécurise et permet aux relations d’affaires de se développer sans crainte.
Chaque fois que l’on réduit un contrat au strict minimum par peur d’effrayer, on prend un risque. Un contrat incomplet peut mener à des pertes financières considérables, à des litiges longs et coûteux, ou encore à des atteintes à la réputation. Dans certains cas, il peut même mettre en péril la pérennité d’une entreprise.
J’ai vu des entrepreneures perdre des milliers de dollars (si au moment de lire ceci vous avez un montant dans les quatre chiffres en tête, ajoutez quelques zéro de plus!!!) simplement parce que leur contrat ne prévoyait pas clairement les modalités de résiliation. J’ai vu des relations d’affaires s’effondrer parce qu’une clause de confidentialité avait été oubliée. J’ai vu des entreprises être poursuivies parce que leur contrat ne limitait pas correctement leur responsabilité. Toutes ces situations auraient pu être évitées avec des contrats complets, bien pensés et adaptés au contexte.
Alors pourquoi persister à voir le contrat comme une arme de méfiance plutôt que comme un bouclier de confiance? Peut-être parce qu’il nous faut changer notre regard. Plutôt que de voir la signature comme une contrainte, nous devons la voir comme un acte stratégique.
Signer un contrat, ce n’est pas dire à l’autre: « Je me protège contre toi. » C’est dire: « Je veux bâtir quelque chose de solide avec toi. » Un contrat clair et complet n’effraie pas, il rassure. Il démontre que l’on a réfléchi aux enjeux, que l’on prend la relation au sérieux et que l’on veut s’assurer que tout se déroule dans le respect des deux parties.
Il est temps de redonner aux contrats leurs lettres de noblesse. Cela passe par un changement de posture, surtout pour les entrepreneures. Ne plus subir les contrats que l’on nous propose, mais oser imposer nos standards. Ne plus avoir peur qu’un contrat détaillé soit perçu comme une marque de dureté, mais plutôt comme une preuve de professionnalisme.
Créer une culture contractuelle dans son entreprise, c’est refuser les accords improvisés. C’est instaurer une discipline qui protège, qui rassure et qui soutient la croissance. C’est comprendre que chaque signature n’est pas un réflexe administratif, mais un acte stratégique.
Un contrat bien rédigé est bien plus qu’un papier. C’est une pièce de fondation. C’est une pierre de plus dans la construction de son empire entrepreneurial.
La prochaine fois que vous hésiterez à demander à un client ou à un collaborateur de signer un contrat détaillé, souvenez-vous que ce n’est pas un signe de méfiance. C’est une marque de sérieux et de respect. C’est aussi une façon d’assurer que votre relation d’affaires sera durable, équitable et claire.
Et si, au lieu de craindre qu’un contrat effraie, nous commencions enfin à voir qu’il rassure?
Maude